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Décryptage du « Digital Omnibus »

Stéphane Astier
Barreau de Paris
12/17/2025
4 min.
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Le 19 novembre 2025, la Commission européenne a publié le «Digital Omnibus », un ensemble de propositions de règlements visant à simplifier et harmoniser le cadre juridique numérique de l’Union européenne.L’objectif officiel est de réduire la charge administrative pour les entreprises — notamment PME/SME/mid-caps — tout en maintenant les standards en matière de libertés fondamentales, protection des données, cybersécurité, et sécurité des systèmes.

DigitalOmnibus est moins un texte de simplification qu’un mécanisme de re-calibrage du droit numérique européen. Il réduit certaines frictions, mais renforce en réalité l’exigence de gouvernance, de documentation et d’anticipation.

Les entreprises qui s’en saisiront rapidement prendront un avantage compétitif clair : accélération des développements IA, rationalisation des coûts de conformité, réduction du bruit réglementaire. Les autres risquent d’entrer dans une zone grise où la charge normative, loin d’avoir diminué, deviendra plus subtile — et plus exigeante.

Déployer une analyse de maturité IT - IP – Cyber peut à ce titre constituer un atout essentiel dans le cadre d’une stratégie globale de sécurisation et de valorisation de l’activité.

Les derniers mois ont vu l’exécutif européen publier un paquet destiné à « alléger » et à rendre plus cohérente la réglementation numérique : le Digital Omnibus. L’intention affichée est certes louable: réduire les coûts de conformité pour les entreprises, faciliter l’application pratique des règles existantes et accélérer la mise sur le marché d’innovations européennes. Les pressions politiques internes et autres actions de lobbying d’acteurs étrangers imposent toutefois la prudence.

Si les propositions de la Commission décrivent en surface une série d’amendements techniques visant globalement à remédier à chevauchements et lourdeurs identifiés entre instruments (RGPD, AI Act, Cybersecurity, e-privacy, etc.) le diable se cache souvent dans le détail. Sous couvert d’une simplification plus que souhaitable, il sera ainsi essentiel de veiller à ceque ce texte très attendu n’accouche pas d’un cheval de Troie dans nos dispositifs de protection des droits et libertés fondamentales.

L’occasion de revenir sur les principaux point de ce projet de texte pour y voir un peu plus clair et anticiper au mieux une réforme majeure du droit du numérique européen.

I. Principales mesures à anticiper par les acteurs du secteur digital

Pour un fournisseur qui combine blockchain (stockage immuable), développement de plateformes SaaS et services fondés sur l’IA(coffre-fort numérique, OCR intelligent, indexation intelligente), trois axespratiques ressortent du projet actuel :

1. Clarification des définitions et des bases légales


Le Digital Omnibus propose des ajustements de définitions (notamment     autour de la notion de « donnée personnelle » et de l’articulation RGPD/AI     Act). La révision proposée de la définition de « donnée personnelle » vise     ainsi à introduire un critère plus contextuel (« selon les moyens     raisonnablement susceptibles d’être utilisés par le responsable »). Cela     peut contribuer à écarter l’application du RGPD et de ses contraintes pour     un destinataire de données pseudonymisées.

L’approfondissement de cette exception et sa généralisation pourrait avoir un impact majeur sur l’économie de la donnée et impliquer refontes contractuelles et nouveaux paramétrages techniques. Il est d’ores et déjà recommandé de formaliser dans ce cas une grille d’analyse et une documentation spécifique destinées à justifier toute qualification non-personnelle appliquée à une donnée pseudonymisée. Pour les providers de services digitaux, cela peut réduire l’incertitude sur l’usage de métadonnées ou de données pseudonymisées tout en imposant de formaliser une documentation spécifique comprenant notamment des grilles d’analyse de risque et de preuve technique dédiées.

2. Allégement procédural (notifications, reporting, cookies)


Parmi les changements procéduraux envisagés figurent la centralisation de     certaines notifications (guichet unique pour incidents) et des évolutions     pratiques sur la gestion des traceurs/cookies (mécanismes centralisés côté navigateur).

Ainsi, sur un plan opérationnel, les acteurs du numérique peuvent d’ores et déjà planifier la mise à jour de leur procédure de réponse à incident, à centraliser logs et preuves.

Sur le point particulier des cookies, la proposition d’autoriser des mécanismes centralisés (gestion du consentement côté navigateur) pourrait réduire le besoin de bannières intrusives qui dégradent l’expérience utilisateur. En contrepartie, l’adoption de ce mécanisme devrait dépendre de standards techniques et d’accords avec les fournisseurs de navigateurs engendrant un nouveau risque de dépendances technologiques externes.

 

3. Mesures ciblées sur l’AI Act (phasing-in & simplicité d’application)


Le projet de Digital Omnibus intègre également des mesures de     simplification visant spécifiquement l’AI Act.  L’objectif avancé est d’ajuster le calendrier d’application [1] de certaines obligations de l’AI Act afin de laisser plus de temps aux     acteurs et aux autorités pour se préparer. Concrètement :

  • Ce qui est proposé : des mesures techniques de rééchelonnement (dates d’entrée en application différenciées pour certaines obligations), et des périodes transitoires pour permettre la publication de normes techniques et la mise en place d’infrastructures de conformité (AI Office, schémas de certification, standards techniques).
  • Ce que cela n’efface pas : l’AI Act — tel qu’adopté — contient des obligations graduées. Les textes de mise en œuvre et les standards d’accompagnement restent nécessaires pour rendre opérationnelle la conformité ; un délai supplémentaire n’abolit pas l’exigence documentaire, les contrôles de marché ni la responsabilité civile/pénale potentielle. La chronologie officielle et les jalons d’application demeurent disponibles dans les timelines publiques de l’AI Act.

Pour les fournisseurs de systèmesIA (coffre-forts, OCR), l’attention doit se porter sur la traçabilité des modèles (métadonnées, jeux d’entraînement), la documentation FRIA/DPIA et l’intégration de garanties techniques (minimisation, tests de robustesse).

4. Exceptions encadrées pour l’usage des données sensibles en IA


La Commission propose également des exceptions très circonscrites à l’article 9 du RGPD, permettant, sous réserve de garanties strictes qui restent à clarifier, l’utilisation de données sensibles pour le développement/correction de modèles IA (détection et correction des biais)[2]. Des mesures techniques et documentaires renforcées devront être déployées pour accompagner la mise en œuvre de cette exception majeure attendu     par les Fournisseurs de Systèmes d’Intelligence Artificielle dans le domaine de la santé.

 

II. Comment anticiper Digital Omnibus ? L’analyse de maturité IT-IP-Cyber

Pour des raisons stratégiques multiples, il sera recommandé aux directions juridiques, DSI et dirigeants, d’intégrer la préparation de cette importante réforme à leurs feuilles de route respectives.

Comment faire ?

Engager dès maintenant une analyse de maturité IT - IP – Cyber, capable de dresser une cartographie consolidée des traitements, des architectures techniques et des risques documentaires. L’enjeu dépasse largement la conformité : il s’agit de transformer un choc réglementaire en levier de compétitivité.

En effet, le Digital Omnibus rebat les cartes du RGPD, redéfinit la charge normative autour de l’IA, simplifie les notifications cyber et requalifie certaines données jusque-là considérées comme personnelles. Ce mouvement exige une vision transversale capable de relier droit des technologies de rupture, propriété intellectuelle, cybersécurité et droit des affaires.

Une telle analyse permettra aux dirigeants de :

  • repenser l’architecture contractuelle et de gestion des responsabilités vis-à-vis des partenaires technologiques et/ou des clients ;
  • établir une gouvernance intégrée RGPD–NIS2–AIAct simplifiant les processus internes ;
  • identifier les zones de réduction de coûts(déclassement de certaines données, rationalisation des process de notification) ;
  • sécuriser et valoriser les actifs immatériels de l’entreprise, notamment les modèles d’IA, les bases de données, les secrets d’affaires et les briques logicielles stratégiques.

Pour les entreprises innovantes, une telle démarche avocation à offrir un véritable avantage concurrentiel : l’analyse de maturité renforce la confiance des clients et investisseurs, clarifie les risques au regard des opérations de M&A, accélère les cycles de développement et consolide la valorisation globale de l’entreprise.

Anticiper le Digital Omnibus avec une approche « R.O.I.ste », ce n’est donc pas seulement se préparer à un texte : c’est investir dans une architecture normative solide, lisible, exportable et créatrice de valeur.

 

[1]Report partiel des obligations applicables aux systèmes IA « à haut risque » :la date d’entrée en vigueur pour ces systèmes pourrait passer d’août 2026 à décembre 2027 (Annexe III) voire août 2028 (Annexe I), selon disponibilité des normes techniques

[2] Nouveau fondement légal possible pour traitements d’IA impliquant des données sensibles/ catégories spéciales (par ex. pour la détection et correction des biais) –intérêt légitime lorsque cela est nécessaire au développement, test ou exploitation d’un système ou modèle d’IA.

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